mardi 7 janvier 2014
Fukushima : une conspiration mondiale de déni
17:12:00
Lorsque l'accident de Tchernobyl est arrivé, on nous indiquait que le nuage ne passerait pas par chez nous et puis que si c'était le cas, il n'y aurait aucun danger (résultat: on enregistrait des relevés de 360 becquerels). Après le 11 Septembre, les autorités assuraient aux sauveteurs qu'il n'y avait aucun danger (résultat: plus de 20 000 personnes ont souffert de maladies respiratoires sévères dans les années qui ont suivi, nombre d'entre elles en sont mortes).
Aujourd'hui, les autorités japonaises laissent les résidents à 40 km à peine de Fukushima se baigner dans les plages comme si de rien n'était et les autorités américaines tiennent le même discours rassurant alors que des relevés sur compteur Geiger montrent clairement que la radioactivité est au rendez-vous dès que l'on se rapproche des eaux des plages de San Francisco. Les gouvernements ont toujours camouflé la réalité des choses dès qu'il s'agit de radioactivité. Fukushima, vient confirmer la règle. Fawkes
Avons-nous quelque part une autorité qui dise la vérité sur Fukushima ?
S'il existe une quelconque autorité gouvernementale ou non-gouvernementale qui s'intéresse ouvertement, directement et honnêtement à la catastrophe de Fukushima, il n'est pas évident pour un observateur extérieur de suggérer laquelle.
On a à la place une visible conspiration mondiale d'autorités de toute sorte refusant au public des informations précises et fiables, compréhensibles, vérifiables sur non seulement la situation de la centrale nucléaire elle-même et ses communautés environnantes, mais sur les retombées incessantes, incontrôlées de débris radioactifs dans l'air et dans l'eau, ce qui crée une augmentation des risques de nocivité pour les communautés du monde.
Bien que le risque puisse être pour l'instant minuscule dans la plupart des endroits, le taux de risque s'élève mortellement à Fukushima-même. Avec les déchets radioactifs de 4 réacteurs nucléaires (dont 3 sont entrés en fusion) sans aucune garantie de contrôle depuis presque trois ans maintenant, le risque d'exposition mortelle est très réel pour les ouvriers de la centrale et pourrait diminuer en s'en éloignant mais il est toujours chiffrable pour tout un chacun sur la planète. Personne ne semble savoir. Personne ne semble avoir fait de calculs. Ceux ayant accès aux informations nécessaires (en supposant qu'ils existent) semblent ne pas vouloir faire les calculs.
Il y a une excuse morale pour cette collusion internationale. Les excuses sont politiques ou économiques ou sociales, mais aucune n'excuse une autorité à retenir ou mentir sur des informations qui ont un impact potentiellement universel et destructeur pour tous ceux qui sont en vie aujourd'hui et toutes les générations inconnues à venir.
Les autorités japonaises sont peut être actuellement les pires à porter atteinte à la vérité, à la santé et à la sécurité de leurs citoyens. Le gouvernement japonais vient de faire passer une loi sévère sur les secrets d'état qui menace de réduire ou d'éliminer des informations fiables sur Fukushima. Le gouvernement américain a applaudi officiellement à ce renforcement du secret, tout en continuant son propre contrôle serré sur les informations nucléaires. Les autorités japonaises ont déjà attaqué leurs propres gens dans la défense contre l'énergie nucléaire : non seulement en sous-estimant ou en ignorant les diverses menaces radioactives mais en ne distribuant pas de comprimés d'iode en 2011 qui auraient pu diminuer l'épidémie croissante actuelle de problèmes thyroïdiens. En n'affrontant pas honnêtement Fukushima, les japonais posent les bases de ce qu'on pourrait appeler une attaque radiologique surprise sur le reste du monde.
Même si personne ne semble savoir quoi faire concernant Fukushima, ce n'est pas une excuse pour mentir et/ou nier les dimensions de la réalité, quelles qu'elles puissent être.
Il y a des centaines, voire des milliers de gens ayant peu ou pas d'autorité qui se sont longtemps battus pour créer une perspective réaliste et rationnelle sur les menaces du nucléaire. La barrière fondamentale pour connaître l'échelle de catastrophe est juste cela : une échelle de catastrophe.
Tchernobyl en 1986 et Fukushima en 2011 ne sont pas vraiment comparables
Tchernobyl est le précédent le plus proche de Fukushima et il n'en est pas si proche. Au moment de la coupure électrique et de l'explosion de 1986, Tchernobyl avait quatre réacteurs en service et deux en cours de construction. L'accident de Tchernobyl n'impliquait qu'un seul réacteur en fusion. Les autres réacteurs ont continué de fonctionner pendant quelque temps après l'accident. Le réacteur qui est entré en fusion a été finalement enseveli, en contenant la fusion et en réduisant le risque. Jusqu'à Fukushima, Tchernobyl était considéré comme le pire accident nucléaire de l'histoire et il est toujours loin d'être terminé. La zone d'exclusion d'environ 2590 km² reste l'une des zones les plus radioactives au monde et on ne compte même pas sur une totale décontamination avant 2065.
Au moment du séisme et du tsunami du 11 mars 2011, la centrale de Fukushima avait 6 réacteurs en service. Trois d'entre eux sont entrés en fusion et pour le quatrième subsiste une piscine lourdement chargée de combustible à 30 mètres au-dessus du sol. Deux autres réacteurs ont été endommagés et ont été mis hors service. Les niveaux de radiations demeurent mortels dans chacun des réacteurs ayant fusionné, fusions contenues par l'eau injectée dans les réacteurs pour les empêcher de chauffer. L'eau s'irradie dans le processus et celle qui n'est pas récupérée dans les réservoirs sur site qui fuient, s'écoule directement dans l'océan Pacifique. Les deux premières semaines, les radiations de Fukushima ont été comparables à celles de Tchernobyl et bien qu'ayant diminué, elles restent élevées.
La compagnie propriétaire de la centrale, TEPCO, devenu en réalité propriété du gouvernement japonais après sa nationalisation en 2012, a commencé en novembre l'enlèvement de plus de 1500 barres de combustible de la piscine du réacteur 4, processus délicat qui doit prendre un an ou plus. Il y a d'autres piscines en lien avec chacun des réacteurs fondus et une piscine générale plus grande, toutes contenant des assemblages de combustible nucléaire qui ne sont sécurisés qu'aussi longtemps que TEPCO continue de les refroidir. La zone d'exclusion de Fukushima, d'un rayon de 20 km autour de la centrale fait environ 1300 km² (dont une bonne partie est l'océan) ; un peu d'information spécifique sur la zone d'exclusion est facilement disponible, mais la couverture médiatique sous la forme de tourisme-catastrophe est abondante, comme la présentation interactive de Google Street View .
Malgré leurs importantes différences de désastres, Tchernobyl et Fukushima sont tous deux classés au niveau 7, "accident majeur" sur l'échelle internationale des événements nucléaires créée en 1990 par l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA). C'est le plus haut degré sur l'échelle, reflet du déni intrinsèque qui fausse officiellement l'idée qu'on se fait du nucléaire. Conçue par des "experts" en nucléaire après Tchernobyl, l'échelle ne peut imaginer un accident pire que Tchernobyl, qui, par toute son intensité, était effectivement terminé en tant qu'accident en relativement peu de temps. À Fukushima, en revanche, la série initiale d'événements était moins aiguë qu'à Tchernobyl, mais presque trois ans plus tard, ils se poursuivent sans qu'on en voit la fin. Fukushima a trois fusions de réacteurs et des milliers d'assemblages précaires dans des piscines peu sûres, n'importe laquelle pouvant engendrer une nouvelle crise qui mettrait clairement Fukushima hors échelle.
Et ensuite il y a la nappe phréatique. Qui n'était pas un problème à Tchernobyl. La nappe phréatique est un énorme problème à la centrale de Fukushima qui a été construite au bord de l'eau, sur un ancien lit de rivière, au-dessus d'une nappe aquifère. Une courte vidéo d'Arnie Gundersen explique pourquoi la nappe phréatique rend Fukushima si difficile à décontaminer et pourquoi les niveaux d'irradiation y resteront probablement dangereux pour les 50 années à venir.
Une activité à l'unité 3 a engendré des compte-rendus paniqués en 2013
Le gouvernement japonais et l'industrie nucléaire sont connus pour cacher depuis 1995 au moins, la vérité sur les accidents nucléaires, comme certains l'ont rapporté (New Scientist, entre autres). Malgré les histoires de malhonnêteté nucléaires japonaises, les autorités du Japon restent les seuls maîtres du site de Fukushima et de la plupart des informations, sans objections importantes de la plupart des gouvernements, médias et autres personnages influents du monde, dont la réputation d'honnêteté en matière nucléaire est presque aussi mauvaise qu'au Japon. Dans un contexte de ce genre, le public est fragilisé par un article comme celui de Turner Radio Network (TRN) du 28 décembre :
FLASH D'INFORMATION – URGENT ** DE LA VAPEUR S'ÉCHAPPE SOUDAIN DU RÉACTEUR 3 DE FUKUSHIMA – LA CÔTE OUEST NORD-AMÉRICAINE DEVRAIT SE PRÉPARER À LA POSSIBILITÉ D'UN PANACHE RADIOACTIF D'ICI 3 À 5 JOURS
Cinq jours après que cette histoire ait été publiée, le "panache radioactif" ne s'est pas manifesté malgré l'affirmation que :"des experts disent que ce pourrait être le début d'une criticité (meltdown) de la piscine de combustible usagé contenant jusqu'à 89 TONNES de combustible qui s'échapperaient en brûlant dans l'atmosphère et se dirigeraient vers l'Amérique du nord." L'article ne nommait aucun "expert" et donnait des liens uniquement vers des annonces de TEPCO en japonais. L'essentiel de l'histoire se lit comme une info-publicité pour des équipements "de sécurité" en tous genres que TRN met un point d'honneur à dire qu'il ne vend pas. Malgré un signal d'alarme aussi évident, d'autres – comme The Ecolgist et Gizmodo – ont rapporté que la menace d'un "autre meltdown" à l'unité 3 était imminente.
Une clarification et un réconfort ont vite chassé la rumeur d'un "nouveau meltdown" sur internet. ENENEWS a aussitôt posté les rapports de TEPCO en anglais, démontrant qu'il n'y avait rien de "soudain" dans les échappements de vapeur, qu'ils se produisaient plus ou moins quotidiennement depuis 2011, mais que la condensation causée par le temps froid les rendait visibles. À FAIREWINDS, Arnie Gundersen a publié le 1er janvier :
"...Internet a été inondé de suppositions déclarant que l'unité 3 de Fukushima Daiichi était prête à exploser...Notre recherche et des discussions avec d'autres scientifiques confirment que ce que nous voyons est un phénomène qui se produit sur le site de Daiichi depuis l'accident de mars 2011...Alors que les centrales sont éteintes, il n'y a pas de méthode pour réaliser l'arrêt à froid des réacteurs nucléaires. Bien que le réacteur puisse arrêter de générer une réaction en chaîne nucléaire, les atomes qui subsistent depuis la réaction en chaîne de départ continuent d'émettre de la chaleur qu'on appelle désintégration des déchets radioactifs (produits de fission)...il y a émission constante d'humidité (vapeur) et de produits radioactifs dans l'environnement."
En d'autres mots, l'unité 3 de Fukushima continue de laisser fuir de la radioactivité aussi bien dans l'air que dans l'eau, les unités 1 et 2 en faisant vraisemblablement autant. Mais comme l'explique Gundersen, le niveau de radioactivité a fortement décliné sans devenir pour autant bénin :
"Quand l'unité 3 était en fonction, elle produisait plus de 2000 mégawatts de chaleur par le processus de fission nucléaire (réaction en chaîne dans le réacteur). Immédiatement après le séisme et le tsunami, elle s'est arrêtée et la réaction en chaîne a stoppé, mais l'unité 3 produisait environ 160 mégawatts de chaleur résiduelle. Aujourd'hui, 30 mois plus tard, elle produit toujours légèrement un peu moins de 1 mégawatt (un million de watts) de chaleur résiduelle...1 mégawatt de chaleur résiduelle est beaucoup de chaleur même aujourd'hui et elle crée de la vapeur radioactive, mais ce n'est pas un phénomène nouveau."
Rassurer sur Fukushima est aussi trompeur que de diffuser des rumeurs alarmistes
Les aspects rassurants de la situation de l'unité 3 – les émissions radioactives ne sont pas nouvelles, elles sont moins intenses qu'autrefois, les déchets nucléaires refroidissent – bien qu'assez vrais, ne procurent qu'un faux sentiment de réconfort. Également vrai : les radiations sont émises presque continuellement, les émissions sont incontrôlables, personne ne semblent les mesurer, personne n'a l'air de les pister, personne n'évalue l'accumulation des émissions. Et bien qu'il soit vrai que les déchets refroidissent et se désintègrent, il est également vrai qu'une perte de refroidissement pourrait conduire à une autre réaction en chaîne incontrôlée. ("L'unité 3 de Daiichi ne va pas exploser", dit Gundersen dans un gros titre, mais il ne peut le savoir avec certitude.)
Dans un avenir proche, cela veut dire, en effet, que le monde doit accepter des émissions chroniques de radiations de Fukushima comme le prix pour éviter une autre libération catastrophique. Et même alors, ce n'est pas chose sûre.
Mais il y a un autre aspect de l'unité 3 encore moins rassurant. Elle est la seule dont le réacteur fonctionnait avec du MOX (mixed oxyde fuel) dans ses barres de combustible. Le MOX utilise habituellement du plutonium mélangé avec une ou plusieurs formes d'uranium. Utiliser du plutonium dans les barres augmente leur toxicité en cas de meltdown. En partie parce que le plutonium-239 a une demi-vie de 240.000 ans et qu'il peut servir à la fabrication d'armes nucléaires ("bombes sales"), son usage dans des réacteurs civils reste limité et controversé. Comme il contient du plutonium, le MOX est plus toxique que n'importe quel autre combustible et il brûlera à plus basse température. Comme le rapportait Natural Resources News en 2011 :
"Le combustible MOX utilisé dans le réacteur 3 en péril contient assez de plutonium pour menacer la santé des gens par l'inhalation possible de particules de plutonium par voie aérienne...c'est dans ce cas qu'il est le plus dangereux et rentre dans les poumons. L'effet sur le corps humain est d'augmenter sérieusement les chances de développer un cancer fatal."
Le programme de TEPCO n'irait pas dans le sens d'un enlèvement du MOX de l'unité 3 avant dix ans ou plus. L'enlèvement du combustible des unités 1, 2 et 3 est compliqué par les niveaux mortels de radiations des trois réacteurs, ainsi que l'incapacité de TEPCO de localiser jusqu'ici avec précision les cœurs fondus.
Il y a beaucoup de raisons d'espérer que Fukushima, malgré la complexité de facteurs incontrôlables et de risques de détérioration, n'empirera pas, parce que même les japonais ne veulent pas cela. Mais il y moins de raison de s'attendre à autre chose que des conditions aggravantes, lentement ou soudainement, dans les années à venir. Et il y a encore moins de raison d'espérer que quelque part une autorité quelconque se montre plus qu'au minimum tardivement honnête sur une industrie qui continue à être protégée, peu importe le nombre de gens qu'elle endommage ou tue.
Le paradigme parfait de cette mentalité nucléaire cynique et sans pitié est la pratique actuelle du recrutement de sans abri pour travailler à Fukushima dans des zones à fortes radiations où quelqu'un n'ayant rien à perdre ne voudrait pas aller même avec un salaire minimum garanti.
Par William Boardman
Global Research, 5 janvier 2014
Lien connexe:
Source:
Global research
Traduction:
bistrobarblog
S'il existe une quelconque autorité gouvernementale ou non-gouvernementale qui s'intéresse ouvertement, directement et honnêtement à la catastrophe de Fukushima, il n'est pas évident pour un observateur extérieur de suggérer laquelle.
On a à la place une visible conspiration mondiale d'autorités de toute sorte refusant au public des informations précises et fiables, compréhensibles, vérifiables sur non seulement la situation de la centrale nucléaire elle-même et ses communautés environnantes, mais sur les retombées incessantes, incontrôlées de débris radioactifs dans l'air et dans l'eau, ce qui crée une augmentation des risques de nocivité pour les communautés du monde.
Bien que le risque puisse être pour l'instant minuscule dans la plupart des endroits, le taux de risque s'élève mortellement à Fukushima-même. Avec les déchets radioactifs de 4 réacteurs nucléaires (dont 3 sont entrés en fusion) sans aucune garantie de contrôle depuis presque trois ans maintenant, le risque d'exposition mortelle est très réel pour les ouvriers de la centrale et pourrait diminuer en s'en éloignant mais il est toujours chiffrable pour tout un chacun sur la planète. Personne ne semble savoir. Personne ne semble avoir fait de calculs. Ceux ayant accès aux informations nécessaires (en supposant qu'ils existent) semblent ne pas vouloir faire les calculs.
Il y a une excuse morale pour cette collusion internationale. Les excuses sont politiques ou économiques ou sociales, mais aucune n'excuse une autorité à retenir ou mentir sur des informations qui ont un impact potentiellement universel et destructeur pour tous ceux qui sont en vie aujourd'hui et toutes les générations inconnues à venir.
Les autorités japonaises sont peut être actuellement les pires à porter atteinte à la vérité, à la santé et à la sécurité de leurs citoyens. Le gouvernement japonais vient de faire passer une loi sévère sur les secrets d'état qui menace de réduire ou d'éliminer des informations fiables sur Fukushima. Le gouvernement américain a applaudi officiellement à ce renforcement du secret, tout en continuant son propre contrôle serré sur les informations nucléaires. Les autorités japonaises ont déjà attaqué leurs propres gens dans la défense contre l'énergie nucléaire : non seulement en sous-estimant ou en ignorant les diverses menaces radioactives mais en ne distribuant pas de comprimés d'iode en 2011 qui auraient pu diminuer l'épidémie croissante actuelle de problèmes thyroïdiens. En n'affrontant pas honnêtement Fukushima, les japonais posent les bases de ce qu'on pourrait appeler une attaque radiologique surprise sur le reste du monde.
Même si personne ne semble savoir quoi faire concernant Fukushima, ce n'est pas une excuse pour mentir et/ou nier les dimensions de la réalité, quelles qu'elles puissent être.
Il y a des centaines, voire des milliers de gens ayant peu ou pas d'autorité qui se sont longtemps battus pour créer une perspective réaliste et rationnelle sur les menaces du nucléaire. La barrière fondamentale pour connaître l'échelle de catastrophe est juste cela : une échelle de catastrophe.
Tchernobyl en 1986 et Fukushima en 2011 ne sont pas vraiment comparables
Tchernobyl est le précédent le plus proche de Fukushima et il n'en est pas si proche. Au moment de la coupure électrique et de l'explosion de 1986, Tchernobyl avait quatre réacteurs en service et deux en cours de construction. L'accident de Tchernobyl n'impliquait qu'un seul réacteur en fusion. Les autres réacteurs ont continué de fonctionner pendant quelque temps après l'accident. Le réacteur qui est entré en fusion a été finalement enseveli, en contenant la fusion et en réduisant le risque. Jusqu'à Fukushima, Tchernobyl était considéré comme le pire accident nucléaire de l'histoire et il est toujours loin d'être terminé. La zone d'exclusion d'environ 2590 km² reste l'une des zones les plus radioactives au monde et on ne compte même pas sur une totale décontamination avant 2065.
Au moment du séisme et du tsunami du 11 mars 2011, la centrale de Fukushima avait 6 réacteurs en service. Trois d'entre eux sont entrés en fusion et pour le quatrième subsiste une piscine lourdement chargée de combustible à 30 mètres au-dessus du sol. Deux autres réacteurs ont été endommagés et ont été mis hors service. Les niveaux de radiations demeurent mortels dans chacun des réacteurs ayant fusionné, fusions contenues par l'eau injectée dans les réacteurs pour les empêcher de chauffer. L'eau s'irradie dans le processus et celle qui n'est pas récupérée dans les réservoirs sur site qui fuient, s'écoule directement dans l'océan Pacifique. Les deux premières semaines, les radiations de Fukushima ont été comparables à celles de Tchernobyl et bien qu'ayant diminué, elles restent élevées.
La compagnie propriétaire de la centrale, TEPCO, devenu en réalité propriété du gouvernement japonais après sa nationalisation en 2012, a commencé en novembre l'enlèvement de plus de 1500 barres de combustible de la piscine du réacteur 4, processus délicat qui doit prendre un an ou plus. Il y a d'autres piscines en lien avec chacun des réacteurs fondus et une piscine générale plus grande, toutes contenant des assemblages de combustible nucléaire qui ne sont sécurisés qu'aussi longtemps que TEPCO continue de les refroidir. La zone d'exclusion de Fukushima, d'un rayon de 20 km autour de la centrale fait environ 1300 km² (dont une bonne partie est l'océan) ; un peu d'information spécifique sur la zone d'exclusion est facilement disponible, mais la couverture médiatique sous la forme de tourisme-catastrophe est abondante, comme la présentation interactive de Google Street View .
Malgré leurs importantes différences de désastres, Tchernobyl et Fukushima sont tous deux classés au niveau 7, "accident majeur" sur l'échelle internationale des événements nucléaires créée en 1990 par l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA). C'est le plus haut degré sur l'échelle, reflet du déni intrinsèque qui fausse officiellement l'idée qu'on se fait du nucléaire. Conçue par des "experts" en nucléaire après Tchernobyl, l'échelle ne peut imaginer un accident pire que Tchernobyl, qui, par toute son intensité, était effectivement terminé en tant qu'accident en relativement peu de temps. À Fukushima, en revanche, la série initiale d'événements était moins aiguë qu'à Tchernobyl, mais presque trois ans plus tard, ils se poursuivent sans qu'on en voit la fin. Fukushima a trois fusions de réacteurs et des milliers d'assemblages précaires dans des piscines peu sûres, n'importe laquelle pouvant engendrer une nouvelle crise qui mettrait clairement Fukushima hors échelle.
Et ensuite il y a la nappe phréatique. Qui n'était pas un problème à Tchernobyl. La nappe phréatique est un énorme problème à la centrale de Fukushima qui a été construite au bord de l'eau, sur un ancien lit de rivière, au-dessus d'une nappe aquifère. Une courte vidéo d'Arnie Gundersen explique pourquoi la nappe phréatique rend Fukushima si difficile à décontaminer et pourquoi les niveaux d'irradiation y resteront probablement dangereux pour les 50 années à venir.
Une activité à l'unité 3 a engendré des compte-rendus paniqués en 2013
Le gouvernement japonais et l'industrie nucléaire sont connus pour cacher depuis 1995 au moins, la vérité sur les accidents nucléaires, comme certains l'ont rapporté (New Scientist, entre autres). Malgré les histoires de malhonnêteté nucléaires japonaises, les autorités du Japon restent les seuls maîtres du site de Fukushima et de la plupart des informations, sans objections importantes de la plupart des gouvernements, médias et autres personnages influents du monde, dont la réputation d'honnêteté en matière nucléaire est presque aussi mauvaise qu'au Japon. Dans un contexte de ce genre, le public est fragilisé par un article comme celui de Turner Radio Network (TRN) du 28 décembre :
FLASH D'INFORMATION – URGENT ** DE LA VAPEUR S'ÉCHAPPE SOUDAIN DU RÉACTEUR 3 DE FUKUSHIMA – LA CÔTE OUEST NORD-AMÉRICAINE DEVRAIT SE PRÉPARER À LA POSSIBILITÉ D'UN PANACHE RADIOACTIF D'ICI 3 À 5 JOURS
Cinq jours après que cette histoire ait été publiée, le "panache radioactif" ne s'est pas manifesté malgré l'affirmation que :"des experts disent que ce pourrait être le début d'une criticité (meltdown) de la piscine de combustible usagé contenant jusqu'à 89 TONNES de combustible qui s'échapperaient en brûlant dans l'atmosphère et se dirigeraient vers l'Amérique du nord." L'article ne nommait aucun "expert" et donnait des liens uniquement vers des annonces de TEPCO en japonais. L'essentiel de l'histoire se lit comme une info-publicité pour des équipements "de sécurité" en tous genres que TRN met un point d'honneur à dire qu'il ne vend pas. Malgré un signal d'alarme aussi évident, d'autres – comme The Ecolgist et Gizmodo – ont rapporté que la menace d'un "autre meltdown" à l'unité 3 était imminente.
Une clarification et un réconfort ont vite chassé la rumeur d'un "nouveau meltdown" sur internet. ENENEWS a aussitôt posté les rapports de TEPCO en anglais, démontrant qu'il n'y avait rien de "soudain" dans les échappements de vapeur, qu'ils se produisaient plus ou moins quotidiennement depuis 2011, mais que la condensation causée par le temps froid les rendait visibles. À FAIREWINDS, Arnie Gundersen a publié le 1er janvier :
"...Internet a été inondé de suppositions déclarant que l'unité 3 de Fukushima Daiichi était prête à exploser...Notre recherche et des discussions avec d'autres scientifiques confirment que ce que nous voyons est un phénomène qui se produit sur le site de Daiichi depuis l'accident de mars 2011...Alors que les centrales sont éteintes, il n'y a pas de méthode pour réaliser l'arrêt à froid des réacteurs nucléaires. Bien que le réacteur puisse arrêter de générer une réaction en chaîne nucléaire, les atomes qui subsistent depuis la réaction en chaîne de départ continuent d'émettre de la chaleur qu'on appelle désintégration des déchets radioactifs (produits de fission)...il y a émission constante d'humidité (vapeur) et de produits radioactifs dans l'environnement."
En d'autres mots, l'unité 3 de Fukushima continue de laisser fuir de la radioactivité aussi bien dans l'air que dans l'eau, les unités 1 et 2 en faisant vraisemblablement autant. Mais comme l'explique Gundersen, le niveau de radioactivité a fortement décliné sans devenir pour autant bénin :
"Quand l'unité 3 était en fonction, elle produisait plus de 2000 mégawatts de chaleur par le processus de fission nucléaire (réaction en chaîne dans le réacteur). Immédiatement après le séisme et le tsunami, elle s'est arrêtée et la réaction en chaîne a stoppé, mais l'unité 3 produisait environ 160 mégawatts de chaleur résiduelle. Aujourd'hui, 30 mois plus tard, elle produit toujours légèrement un peu moins de 1 mégawatt (un million de watts) de chaleur résiduelle...1 mégawatt de chaleur résiduelle est beaucoup de chaleur même aujourd'hui et elle crée de la vapeur radioactive, mais ce n'est pas un phénomène nouveau."
Rassurer sur Fukushima est aussi trompeur que de diffuser des rumeurs alarmistes
Les aspects rassurants de la situation de l'unité 3 – les émissions radioactives ne sont pas nouvelles, elles sont moins intenses qu'autrefois, les déchets nucléaires refroidissent – bien qu'assez vrais, ne procurent qu'un faux sentiment de réconfort. Également vrai : les radiations sont émises presque continuellement, les émissions sont incontrôlables, personne ne semblent les mesurer, personne n'a l'air de les pister, personne n'évalue l'accumulation des émissions. Et bien qu'il soit vrai que les déchets refroidissent et se désintègrent, il est également vrai qu'une perte de refroidissement pourrait conduire à une autre réaction en chaîne incontrôlée. ("L'unité 3 de Daiichi ne va pas exploser", dit Gundersen dans un gros titre, mais il ne peut le savoir avec certitude.)
Dans un avenir proche, cela veut dire, en effet, que le monde doit accepter des émissions chroniques de radiations de Fukushima comme le prix pour éviter une autre libération catastrophique. Et même alors, ce n'est pas chose sûre.
Mais il y a un autre aspect de l'unité 3 encore moins rassurant. Elle est la seule dont le réacteur fonctionnait avec du MOX (mixed oxyde fuel) dans ses barres de combustible. Le MOX utilise habituellement du plutonium mélangé avec une ou plusieurs formes d'uranium. Utiliser du plutonium dans les barres augmente leur toxicité en cas de meltdown. En partie parce que le plutonium-239 a une demi-vie de 240.000 ans et qu'il peut servir à la fabrication d'armes nucléaires ("bombes sales"), son usage dans des réacteurs civils reste limité et controversé. Comme il contient du plutonium, le MOX est plus toxique que n'importe quel autre combustible et il brûlera à plus basse température. Comme le rapportait Natural Resources News en 2011 :
"Le combustible MOX utilisé dans le réacteur 3 en péril contient assez de plutonium pour menacer la santé des gens par l'inhalation possible de particules de plutonium par voie aérienne...c'est dans ce cas qu'il est le plus dangereux et rentre dans les poumons. L'effet sur le corps humain est d'augmenter sérieusement les chances de développer un cancer fatal."
Le programme de TEPCO n'irait pas dans le sens d'un enlèvement du MOX de l'unité 3 avant dix ans ou plus. L'enlèvement du combustible des unités 1, 2 et 3 est compliqué par les niveaux mortels de radiations des trois réacteurs, ainsi que l'incapacité de TEPCO de localiser jusqu'ici avec précision les cœurs fondus.
Il y a beaucoup de raisons d'espérer que Fukushima, malgré la complexité de facteurs incontrôlables et de risques de détérioration, n'empirera pas, parce que même les japonais ne veulent pas cela. Mais il y moins de raison de s'attendre à autre chose que des conditions aggravantes, lentement ou soudainement, dans les années à venir. Et il y a encore moins de raison d'espérer que quelque part une autorité quelconque se montre plus qu'au minimum tardivement honnête sur une industrie qui continue à être protégée, peu importe le nombre de gens qu'elle endommage ou tue.
Le paradigme parfait de cette mentalité nucléaire cynique et sans pitié est la pratique actuelle du recrutement de sans abri pour travailler à Fukushima dans des zones à fortes radiations où quelqu'un n'ayant rien à perdre ne voudrait pas aller même avec un salaire minimum garanti.
Par William Boardman
Global Research, 5 janvier 2014
Lien connexe:
Se protéger des dangers des émissions radioactives grâce à l’alimentation
Source:
Global research
Traduction:
bistrobarblog
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